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"La réussite et le drame de l’IJBA"


2 juillet 2013 /

"Mon départ de l’IJBA" : tel est le titre de la lettre ouverte adressée par Philippe Lespinasse à l’association des diplômés de l’IUT de journalisme de Bordeaux et de l’IJBA. Une prise de position virulente que ce diplômé de la promo 1988 nous a demandé de relayer afin d’ouvrir le débat avec les anciens de l’école et l’équipe dirigeante.



Mon départ de l’IJBA

Chers collègues, amis et étudiants.

Ce n’est pas de gaieté de cœur que je pars de l’IJBA, poussé dehors par la nouvelle direction, et déplorant la perte des valeurs que l’école incarnait. Enseignant vacataire depuis 18 ans, et maître de conférences depuis 6 ans, mon contrat n’est pas renouvelé. Mon implication et ma proximité historique avec l’école, ainsi que le succès auprès des étudiants n’ont pas été pris en compte.

Nourrissant mon enseignement d’une pratique journalistique exigeante, j’ai été à l’origine de nombreuses sessions à l’IUT, puis l’IJBA, concourant ainsi à sa réputation de grande école. Nous étions ainsi la seule à développer un module autour de la « critique des médias », qui permettait aux étudiants d’aiguiser leur sens critique. Nombre de réalisateurs, de journalistes et d’anciens étudiants sont ainsi venus projeter leur travail et accepté d’accompagner des ateliers.

Depuis de nombreuses années, j’ai aussi conduit des sessions autour des magazines télé, des sessions « techniques d’enquête », monté une bibliographie « idéale », été à l’origine du partenariat avec le festival du film d’histoire de Pessac, conduit sous l’impulsion d’Edith Rémond, avec Jean François Brieu et Jean Charles Bouniol le « blog de quartier » qui nous a permis d’imaginer et de lancer « les grands reportages de proximité », en utilisant toutes les ressources du web. Devenu un rendez-vous fondamental pour les étudiants de M2, le blog et le support « bimédia » sont purement et simplement supprimés, sans justification, et sans même que la direction en ait informé les enseignants responsables.

Ne parlons pas des sessions transmédias, de la collaboration avec le Fipa, ou des journées « nouveaux territoires du journalisme », où nous avions dessiné les emprunts aux autres expressions artistiques, théâtre, musique, romans... et invité la fine fleur des rédacteurs et patrons de rédaction web, ainsi que des dessinateurs de presse.

Grand reporter (Thalassa, Faut Pas Rêver, Un Oeil sur la planète, Strip Tease, France 5, Arte...), réalisateur de films documentaires et actionnaire de CP Productions (Pas Vu Pas Pris, Enfin Pris, La sociologie est un sport de combat, Tant Pis tant Mieux, et autres films autour de la critique des médias, ou ouvrant de nouveaux champs critiques), journaliste et pigiste au Monde Diplomatique, à Pilote, VSD, Siné Mensuel, collaborateur de nombreux magazines étrangers, auteur de catalogues et de livres sur des artistes, j’ai mis toutes mes forces dans l’enseignement, et encouragé les étudiants à une pratique « sévère pour les puissants, exigeante avec soi-même, et exempte de toute connivence ». De ces allers et retours entre enseignement et pratique professionnelle, j’ai nourri une réflexion et bâti des cours au plus près des questionnements moraux ou esthétiques qui sous-tendent toute production éditoriale.

L’héritage de Robert Escarpit, puis de Pierre Christin et d’Edith Rémond, récemment récompensée de la légion d’honneur, avait fait de cette école un lieu permanent de débats, d’échanges, d’ouverture au monde, de transparence pédagogique et d’excellence universitaire. Dans le respect des compétences de chacun, nous n’y sentions aucune hiérarchie, aucun autoritarisme malvenu. Etudiant en 1986, j’étais fier et heureux de participer au maintien de ces valeurs, encourageant les profils « atypiques », tenant compte des « excuses sociologiques », et défendant une pratique professionnelle qui ne pourrait retrouver sa dignité que dans l’esprit d’insurrection et l’extrême rigueur du traitement des informations. Ce n’est pas le choix retenu par le nouveau directeur, qui a pris ombrage de la position que j’incarnais dans l’école.

En 2012, les différents prix que j’ai obtenus (Prix au Figra et au Festival du Scoop) n’ont même pas attiré son attention. A dire vrai, je pense qu’il en fût même gêné, ayant affaire à un « vrai » journaliste en activité.

En échange du contrat de maître de conférence qu’il me supprimait, de plusieurs sessions qu’il modifiait abruptement, et de la session « critique des médias » qu’il divisait par trois, le nouveau directeur m’a proposé une trentaine d’heures de cours, en guise de compensation.

Je ne néglige pas la blessure narcissique, la colère, et l’évident manque d’objectivité qui m’animent, mais je n’ai pas accepté l’obole. Le choix de François Simon de ne pas tenir compte des avis des professionnels intervenants -Jean Charles Bouniol pour le web, Karsten Kurowski pour la vidéo- ou moi-même, et de s’en tenir à des réunions uniquement réservées à un petit groupe d’enseignants statutaires dit la méfiance à l’égard des professionnels, et la déplorable méconnaissance du milieu et de ses nouveaux enjeux.

Edith Rémond elle-même, Présidente du Conseil des Ecoles Publiques de Journalisme, est soigneusement mise à l’écart de toute réunion. Sa compétence et sa légitimité font-elles de l’ombre à la nouvelle équipe dirigeante ? S’appuyant sur une expérience professionnelle minime, rétif à tout partage d’information, le nouveau directeur met à mal la réputation d’excellence de l’école, et s’enferme dans un autisme et un autoritarisme inquiétants.

N’ayant que la réussite aux concours en ligne de mire, celui-ci souhaite transformer l’école en petite fabrique de soldats adaptables et soumis, insistant en particulier sur le commentaire sportif, qui n’est pas le plus critique qui soit. Plusieurs collaborations et enseignements ont ainsi déjà été brutalement supprimés, sans aucune explication : Julien Guintard, Didier Arnaud et Jackie Durand, Blandine Grosjean...

Portée sur les fonds baptismaux par Robert Escarpit, puis dirigée vigoureusement par Pierre Christin et Edith Rémond, l’école est sans doute victime de son succès, désirable par les enseignants d’université qui viennent y chercher une gratification symbolique supplémentaire, sans grand souci de l’individualisation pédagogique. Il est en effet plus prestigieux d’y délivrer des cours et de s’en prévaloir que dans les filières « Information et Communication » pour lesquelles leurs thèses les auraient davantage programmés.

C’est la réussite et le drame de l’IJBA, où la plupart des enseignants actuels, ne connaissant le journalisme que de très loin, viennent s’y faire briller le poil. Nous cherchons en vain leurs productions -sauf celles de Jean-François Brieu- ce qui ne veut pas dire qu’être un journaliste accompli fait automatiquement un bon enseignant. L’inverse est aussi vrai ; on peut enseigner le journalisme avec un talent et une probité jamais démentis, la carrière d’Edith Rémond en fait foi.

L’arrivée du nouveau directeur signe seulement le prestige de cette institution hors Paris, les jalousies suscitées, et la fragilité de la structure face à l’appétit de la pensée unique. Y enseigner signifie jouir de l’héritage, n’en attendre que cela indique la stratégie de carrière, et la disparition inéluctable de ce qui en faisait la singularité.

La spécificité de l’IUT de Bordeaux, puis de l’IJBA tenait au délicat équilibre entre une exigence éditoriale assumée, un encouragement aux enquêtes de fond, une impertinence, un esprit frondeur, et une maîtrise des nouveaux modes de narration, multimédia, contenus enrichis, web docus, « crowdsourcing », gaming, data, etc.

Etanche aux évolutions du milieu, arc bouté sur des schémas archaïques, après avoir sévi à l’IUT de Tours, le nouveau directeur s’en prend à Bordeaux, où la délivrance des master n’est pas du même niveau. Ce devait être son bâton de maréchal, c’est son principe de Peter. L’avoir mis au jour a signé la cessation de mon activité. Comme dans n’importe quelle entreprise, s’en prendre à un travailleur précaire, même « en assumant ses responsabilités » permet de ne pas aborder les questions de fond.

Lâcheté, incompétence, ou inconscience ? Les trois, mes amis. Je suis triste pour notre école. Triste, et libre.

Philippe Lespinasse


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